J'ai mal dormi.
Le circuit tracé par Fabrice reprend en une seule fois toutes mes recommandations. Je cauchemarde à l'idée de la descente du Puy Mary, pourtant sur son versant le plus doux suivant mon conseil. J'y ai tellement eu peur que j'en ai descendu les premiers lacets à pied!
Et la nuit exacerbe les angoisses, la chaleur les amplifie.
Je me réconforte au petit déjeuner en me gavant uniquement de croissants malgré les reproches de Didier D.
Découragé par ses embarras gastriques de la veille, Michel a décidé de ne pédaler qu'à partir de midi, en venant à notre rencontre, après une visite au vélociste d'Arpajon sur Cère ce matin.
Mes jambes sont légères, je grimpe aussi allègrement qu'hier les bosses du parcours, atteignant Mandailles joyeusement. Florent et Fabrice profitent de la pause avant grimpette pour siroter un café en terrasse parmi l'affluence de motards et autres cyclistes.
J'entame les 10km de montée du Puy Mary avec Didier D puis le laisse partir lui criant "Je gère" car c'est encore ce que je crois.
Hélas dès le premier kilomètre je comprends que ça va être une galère. La chaleur est accablante et l'ombre rare. La sueur dégouline et me brûle atrocement les yeux. Je suis un peu rassurée quand Florent et Fabrice m'affirment "C'est pareil pour nous" en me doublant. Je ne suis pas la seule victime du Puy Mary donc. Moi qui avais décidé de mesurer mes efforts pendant ces 3 jours, je suis bien obligée de forcer, de malmener mon corps pour avancer. Car je vais dépasser Yves à la dérive en lui larmoyant : "T'es pas bien? T'inquiète pas, moi non plus, j'ai même envie de pleurer" puis Sylvain R qui restera dans ma roue.
Ouf, le dernier kilomètre n'est qu'un faux plat mais bien stressant car il faut éviter les piétons, motos, voitures...Le sommet grouille de touristes. La cinquantaine de tables de la terrasse du "Chalet du Puy Mary" sont occupées. Le bruit ambiant, contraste avec le silence solitaire de l'escalade, m'étourdit. Je me sens cotonneuse : une dizaine de copains est déjà en admiration devant le site classé au patrimoine mondial de l'humanité, Christophe m'aide à descendre de vélo en le posant au sol, je ne peux pas lever mes jambes!
Arrivé en trombe juste derrière moi, Didier H a pitié et me "paterne" en m'offrant un demi, nous nous imposons à un bout de table...et aussitôt je suffoque... je ne peux plus respirer... je m'affolle... un médecin se cache peut-être dans la foule, prêt à me sauver la vie, comme ce type qui ne me quitte pas des yeux...Ouf mon sauveteur est Fabrice, appelé à la rescousse par Didier. Il me parle respiration, pensées positives, j'ai le réflexe prayanama de ma pratique yoga.* Je peux reprendre la route...et me ridiculiser : le dévoué Fabrice me guide mais mes mains enserrent fermement les freins dans les premiers lacets , je ne relâcherai la tension qu'après le Col de Serre. Et là je me laisse enfin dévaler jusqu'à Dienne, fascinée par le panorama, où on attend Didier D pour crevaison. Comme hier sur la Planèze, je retrouve des routes autant connues que celles de la vallée de la Somme, encerclant le lac du Pêcher vanté à Fabrice pour la halte déjeuner. Nous rejoignons la Pinatelle où
la route devient plate...et moi épuisée. Je ne tourne plus les jambes, les roues de mes compagnons s'éloignent à l'horizon. Fabrice et David m'escortent , Fabrice devra même me pousser en menaçant "Tu as intérêt à manger ce midi!"... il a compris avant moi..
*À chaque narration de cet incident, mes interlocuteurs ont diagnostiqué une crise d'angoisse, première et dernière j'espère bien, explicable et expliquée par l'appréhension de la descente du Col.
La troupe est déjà installée à l'ombre, je m'assois...Comme les voix me semblent lointaines : louanges admiratives quant au point de vue, réflexions inquiètes quant à la couleur de mon visage entre blanc et gris. Je reste vautrée au sol, impuissante à répondre. Chaque geste est ralenti , mon sandwich est sorti péniblement du sac, je mâche doucement, Fabrice me tend une tranche de rosbif... Et un quart d'heure plus tard, tout va mieux: j'indique Neussargues à des touristes égarés, je téléphone à Michel qui démarre du " Family"...
J'étais tout simplement en hypoglycémie, j'ai eu une bête fringale et me voilà toute requinquée au soulagement de mes camarades.
Les premiers tours de roue au redémarrage achèvent de me rassurer: ce n'était qu'une fringale; je ne m'étais absolument pas alimentée en cours de matinée et j'avais épuisé mes forces dans le Puy-Mary. Je me sens formidablement bien sur ces routes aimées.
Didier D crève à nouveau et on nous invite à avancer, la consigne étant de s'attendre à l'entrée de Murat. Je connais par coeur et comme ça descend donc je suis abandonnée même par Sylvian.
Et je retrouve mes compagnons sur les hauts de Murat, époustouflés par la magnificence du paysage. Je les achève en leur déclarant que c'est le spectacle quotidien de ma fille et qu'elle ne s'en lasse pas. Je les laisse à leur enchantement pour terminer la descente jusqu'à la sortie de Murat où je trouve Yves...que j'avais pourtant laissé à Chalinargues! L'arrière de la troupe est désormais devant ! Nous ne comprendrons jamais où nos chemins ont divergé mais ils ont déjà traversé Murat et ont déjà commencé l'ascension du Plomb du Cantal par le col de Prat de Bouc alors que l'ex-avant du groupe les attend en haut de Murat! Après moultes coups de fil, je réussis à joindre Didier H tandis qu'Yves prévient Fabrice. Il s'est arrêté là pour ne pas laisser seul Fred V, qui, trop fatigué, a décidé de rentrer seul au plus court.
Les ex-premiers maintenant derniers commençons donc l'ascension vers Albepierre quand Didier L et Gilbert décident eux aussi de rentrer avec Fred, je repars donc avec eux me missionnant en guide touristique, inutile d'en faire plus que les hommes. Yves n'a pas bougé et Fred ne répond pas aux appels, c'est inquiétant. Nous tournons le dos à la route, une voiture se gare...Fred et son vélo à l'intérieur ! Un sympathique cantalou le ramène à l'hôtel ! C'est ça l'hospitalité auvergnate.
Nous rentrerons donc à quatre. Fraisse-Bas, Laveissiere, Fraisse-Haut, comme hier. Le tunnel est interdit aux cyclistes, il va falloir encore grimper à Super Lioran mais je les rassure...j'ai un raccourci par le col de Font de Cère. À Font d'Alagnon nous empruntons la route impériale, "ma" piste de ski. J'en connais chaque lacet par coeur, c'est certes beaucoup plus raide que par le col du Pertus mais moins long, et surtout c'est à l'ombre car il fait 32°C!
Je savoure, mes souvenirs enneigés se mêlent au plaisir cycliste de l'instant. Ici j'ai vécu un nombre merveilleux de meilleurs moments de ma vie. Celui d'aujourd'hui s'y ajoute et transcende encore le présent.
Le sommet est au carrefour des pistes alpines et même sur le bitume, sur les pentes vertes, je VOIS la neige. Je dessine de grands signes rassurants à mes camarades montés prudemment, ignorant tout de la distance. C'est fini, nous ne grimperons pas plus haut.
Je les attends devant "Le buron de Font de Cère",où on déchausse les skis...Contraste avec notre grimpette solitaire et silencieuse, la terrasse est bondée de randonneurs. Gilbert nous offre un demi. Je leur fait visiter l'intérieur rustique et salue la patronne qui a plus l'habitude de ma tenue de skieuse.
La pause demi en terrasse est vraiment bienvenue à l'ombre des parasols. Nous repartons et la vue sur Super Lioran est encore plus impressionnante de ce côté. Nos amis sont probablement en ce moment même sur l'autre versant du Plomb, au sommet de Prat de Bouc.
Je déculpabilise d'avance mes compagnons, il ne faut pas m'attendre, je descendrai doucement et tranquillement les 20 derniers kilomètres jusqu'à Vic surCère, comme hier...
Je suis affamée et me goinfre de mini croissants restes du petit déjeuner.
Après ma douche je fonce à la piscine où Dominique, Héléne, Francine, Martine et Paulette sont rassurées de me retrouver figure humaine. Le bain est délicieux.
Michel rentre ensuite ; parti à notre rencontre en sens inverse, il a fait demi-tour vers 16h, surpris de ne rencontrer personne et persuadé s'être égaré. Et à 18h30 seul Oscar sera de retour! Je suis inquiète.
Et je me sens à nouveau très faible, Paulette me retrouve au fond du frigo une saucisse froide que je dévore. J'ai trouvé les coupables! Les croissants!Apport de sucre implique production d'insuline, baisse du taux de sucre sanguin, et donc hypoglycémie !
Il me faut une bière pour remonter le taux: j'entraine Michel au "Bar des motards" où nous trouvons une bonne partie de la bande devant un demi. Et moi qui m'inquiètais...
En fait, comme Michel hier, Manu a été malade et épaulé pour rentrer. Et comme Michel hier il se soigne à la bière. Mais cette médication ne lui conviendra pas, il se couchera sans dîner.
Dommage pour lui, ce soir c'est truffade , mon plat préféré. Fred G lui aussi est nauséeux et quitte la table , nous laissant sa part, quel brave garçon , tandis que Sylvain C étudie consciencieusement en détail chaque fromage auvergnat...
Après ce repas régénérateur , nous sommes une bonne douzaine à profiter du demi à 2€ du "Bar des motards" jusqu'à presque minuit, il fait chaud et soif dans les rues nocturnes.